Sylvain Mousset, manager de service Veolia à Narbonne, a passé trois semaines au Tchad avec le Haut Commissariat aux Réfugiés pour une mission Veoliaforce au cœur de camps de déplacés et de réfugiés. Témoignage.
Vous êtes partis à la suite de David Maisonneuve, autre expert Veoliaforce, pour poursuivre un travail d'audit sur l’amélioration de l'accès à l'eau dans des camps de réfugiés vers Farchana. Comment la mission s’est-elle déroulée ?
Sylvain Mousset : David avait fait le tour de 7 camps et en avait priorisé quatre où nous étions susceptibles d’avoir de l’impact, c’est-à-dire, très concrètement, d’apporter plus d’eau à plus de monde. Dès mon arrivée, je rentre dans le détail des recommandations émises pour le premier camp – Metche –, pour les confronter au terrain. Or très vite, je m’aperçois que la plus grande difficulté va être la fiabilité de l’information : d’un côté, on nous dit que tel forage a été creusé, que la canalisation fait tel ou tel diamètre. Et ce qu’on voit sur le terrain nous dit… autre chose ! Il faut donc dimensionner des infrastructures en partant de données – des mesures de débits, de pression – qui doivent être vérifiées et qui peuvent varier si on est en saison sèche ou en saison des pluies.
Imaginer un réseau pour un camp, est-ce très différent d’un autre environnement ?
SM : Il faut s’adapter à l’environnement topographique et humain. Je m’explique : vous apercevez une colline un peu plus loin ? Parfait pour construire des réservoirs que vous auriez à surélever si vous les installiez ailleurs. C’est une économie et du budget qu’on peut réaffecter. Vous commencez à travailler sur une partie du réseau ? Il faut prévoir dans quelle géographie le camp risque de s’étendre pour que l’actualité ne vous rattrape pas trop vite. En quelques mois, un afflux de réfugiés de telle ou telle région peut changer la donne.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
SM : Ma plus grande difficulté a été de... gérer ma frustration ! Quand il faut prévoir entre deux et quatre heures de temps pour parcourir 30 km en voiture… Quand vous faites quatre heures de trajet et qu'une rivière en crue vous empêche finalement d'atteindre le camp où vous deviez aller…. Demi-tour et une journée perdue. Bref, les aléas d'un environnement moins facile d'accès que d'autres. On apprend à faire avec, on s'adapte, et on se découvre capable de plus de patience qu’on ne le croyait :-).
Qu’est-ce qui vous a surpris ?
SM : On est à la fois très concentré pour faire des relevés de terrain fiables, sur lesquels on pourra s’appuyer, même à distance, pour nos recommandations, et inévitablement touché quand des enfants cherchent le contact et vous parlent. Et puis cette mission est arrivée à un moment important de ma vie professionnelle où je me pose des questions sur mon avenir. Une mission telle que celle-ci apporte son lot de réponses. Ma plus grande satisfaction sera de voir une photo des réservoirs construits : ce sera la meilleure démonstration de notre utilité.