David Maisonneuve, Responsable réseaux de distribution pour le groupe Veolia, a inauguré la mobilisation de la fondation Veolia à l’Est du Tchad, aux côtés du Haut Commissariat aux Réfugiés, pour améliorer l’accès à l’eau potable dans les camps gérés par l’ONU. Il a passé quinze jours dans la région du Ouaddaï, à proximité de Farchana, où une douzaine de camps hébergent plusieurs centaines de milliers de personnes.
Vous partez avec une feuille de route assez large en termes de périmètre. Il y a plusieurs camps, un sujet global d’infrastructures. Comment appréhendez-vous la mission avant votre départ ?
David Maisonneuve : Ce que je pressens très vite, c'est l'hétérogénéité des situations. Les camps, dont certains ont vu le jour il y a 20 ans et ont été progressivement absorbés par les villages voisins, sont à des niveaux de maturité très différents sur la question de l'accès à l'eau. Les ONG mandatées par le HCR pour conduire des travaux et gérer les infrastructures ont, le plus souvent, travaillé dans l'extrême urgence sans pouvoir prendre de recul. Le résultat, c'est un patchwork de forages, pompes, réservoirs et rampes de distribution pour couvrir une partie des besoins vitaux.
Dans ce contexte, comment organisez-vous l'audit des camps ?
DM : Je me rends dans les principaux camps (7 camps qui correspondent à 95% de la population totale) pour qualifier au plus près les besoins, repérer les actions qui ont été réalisées, voir ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins bien et surtout écouter. Parce que les différentes personnes mobilisées sur le sujet de l'accès à l'eau ont leurs priorités, que je dois comprendre pour leur faire des recommandations adaptées. Il y a une stratégie globale pour organiser la vie des familles dans les différents camps et il faut s'adapter à cette réalité et à ses évolutions probables. Le rythme d'arrivée des réfugiés fait souvent évoluer le besoin d'un camp à l'autre. Par exemple, quand je suis sur place, c'est la saison des pluies. Certaines voies de migration ne sont plus praticables et vont peut-être générer un nouveau flux dès qu'elles rouvriront.
Comment prioriser entre deux situations ?
DM : Le critère, c’est l’impact : comment permettre au plus grand nombre de bénéficiaires d’accéder à une plus grande quantité d’eau avec le minimum de travaux. C’est du sur-mesure pour chaque camp, sachant qu’on cherche à ne pas dépasser 50 000 personnes par camp. Là on va raccorder un réservoir qui n’était plus relié au réseau, ici on va équiper un forage... Autre critère : il faut que les recommandations puissent être rapidement mises en œuvre et ça tient à la technique, à l’avancement du projet, à la durée, au changement d’organisation induit ou encore aux ressources humaines disponibles. Et puis il faut aussi intégrer les populations voisines, qui acceptent l’émergence de ces camps et qui doivent bénéficier d’un service au moins équivalent à ce qui est disponible pour les réfugiés. C’est donc un équilibre à trouver entre besoins, attentes, ressources et cohabitation.
Vous êtes déjà parti à plusieurs reprises en mission pour la fondation Veolia. En quoi celle-ci était-elle différente ?
DM : C’était la première fois que j’intervenais dans des camps de réfugiés et de déplacés. Et c’est un univers à part, très surprenant quand on y est confronté pour la première fois. Camp de transit, enregistrement biométrique individuel pour chaque nouvel arrivant, remise de cartes de nourriture, transfert d’un camp à l’autre avec transport des effets individuels. Une équipe est dédiée aux Tchadiens qui avaient fui leur pays pour se réfugier au Soudan et qui retrouvent leur pays en tant que déplacés. Bref, c’est une organisation assez sophistiquée qui fonctionne. Au niveau technique, c’est rudimentaire mais il y a beaucoup de choses à prendre en compte, des forages jusqu’aux rampes de distribution. Au niveau organisationnel, l’ensemble des partenaires nécessite un équilibre permanent. Enfin au niveau humain, l’ampleur du drame qui se joue ici dépasse l’entendement, on parle au total de 1.2 millions de personnes réfugiées…
Être confronté à des camps de réfugiés, est-ce une épreuve ?
DM : Sans doute la logistique et l’organisation prennent-elles le pas sur beaucoup de choses, mais le dénuement qu’on observe ne donne pas une impression de misère profonde. Le plus violent, c’est d’échanger avec les gens qui sont là : ils sont déracinés. Psychologiquement, c’est très fort.