« En discutant avec la personne qui les accompagne, les jeunes trouvent eux-mêmes leurs solutions »
Interview de Marie-Hélène Scheidecker, chargée d’accompagnement bénévole à l’Adie depuis six ans
En quoi consiste l’accompagnement des jeunes créateurs d’entreprise ?
Les jeunes créateurs d’entreprise que je suis dans la Seine-Saint-Denis (93) ont déjà bénéficié de la formation et du tutorat Créajeunes pour construire leur projet. Certains sollicitent ensuite un prêt auprès de l’Adie pour lancer leur activité, qui est indissociable d’un accompagnement.
Business plan et étude de marché ont été réalisés pendant le parcours Créajeunes mais face à la réalité du terrain, le jeune affronte des obstacles qu’il n’a pas anticipés. Parfois le projet est trop dimensionné, des clients sur lesquels il comptait ne suivent pas, la fabrication des produits coûte plus cher que prévu… Le jeune créateur peut alors se mettre dans des difficultés financières insurmontables. D’où l’intérêt de l’accompagnement pour les éviter.
Lors du premier rendez-vous, je lui demande de m’expliquer la genèse de son projet et tous les aspects : le concept, le prix, la distribution, la communication, le statut envisagé… Nous détectons ensemble les points de vigilance et les approfondissons au cours des rendez-vous suivants pour trouver des solutions. Mais je ne suis pas directive, c’est à eux d’agir ! Je ne suis pas un professeur qui leur demande de rendre leur copie…
A quel rythme rencontrez-vous les jeunes ? Suivez-vous un programme ou une méthodologie spécifique ?
Nous nous voyons très régulièrement la première année du lancement du projet. Le jeune prend rendez-vous, avec moi-même ou d’autres personnes plus spécialisées, également bénévoles de l’ADIE, que je lui ai recommandées : un expert-comptable pour le juste choix de son statut, un avocat pour des questions relatives à un bail commercial…
Après cette première année, les rendez-vous s’espacent. Je recontacte les jeunes créateurs plusieurs fois dans l’année. Certains ont envie de me revoir pour faire le point sur l’avancement, pour démarcher de nouveaux clients, pour faire évoluer l’activité en fonction de la demande du marché… Ce soutien sur le long terme est important car ils ont besoin de parler à quelqu’un qui leur donne un autre angle de vision. En discutant avec la personne qui les accompagne, ils trouvent eux-mêmes leurs solutions. L’accompagnement proposé par l’Adie est donc sur-mesure, personnalisé : il n’existe pas de trame fixée à l’avance.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de jeunes entrepreneurs que vous suivez ?
Je suis des profils extrêmement variés : premier exemple, une jeune femme coach psychologue en développement personnel. Ses difficultés se concentraient sur son site Internet qui était trop touffu, pas assez accrocheur. Quatre rendez-vous ont été focalisés uniquement sur ce site, qui est lancé avec son activité : www.eurythmia.fr.
Deuxième exemple, un jeune homme cinéaste avait sollicité un microcrédit pour acheter son matériel. Je l’ai accompagné sur des aspects administratifs : immatriculation, récupération de TVA… Son site est désormais actif : www.lynx-pictures.net.
Troisième exemple : un jeune homme de La Courneuve, poissonnier, a lancé la vente par Internet de plateaux de fruits de mer : http://baronbleu.fr. Nous avons travaillé son site web pour améliorer quelques points, le démarchage de ses clients et les axes de recherche de nouveaux clients. Je lui ai recommandé une session complémentaire de formation commerciale à l’antenne de Belleville de l’Adie.
Autre activité suivie : un jeune a créé une navette de covoiturage de nuit qui transporte 8 personnes. Ses clients s’inscrivent sur une plateforme Internet pour des allers retours sur des lieux de fête. Il habite dans le 93 mais développe son concept à Rennes, où il va déménager prochainement. Il avait surtout besoin de se rassurer et d’être encouragé, bien que son concept soit très porteur. Je lui ai conseillé de contacter un community manager pour gérer sa notoriété sur les réseaux sociaux : il l’a trouvé via le réseau Créajeunes. L’activité est lancée et commence à fonctionner, des articles en ont parlé dans la presse locale : www.captn-breizh.com
Dernier exemple : une jeune femme crée une place de marché pour vendre des produits de mode et de décoration africains. Son site Internet était avancé mais le concept restait flou : statut, prévisionnel et protection juridique de sa plateforme n’étaient pas au point. Nous travaillons ensemble ces sujets.
Il faut beaucoup d’investissement pour monter son entreprise : la motivation des jeunes se maintient-elle malgré tous les obstacles qu’ils rencontrent ?
Chaque jeune est très motivé pour mener à bien son projet. C’est très gratifiant pour eux, et pour nous de les accompagner. Les jeunes que je suis sont nombreux à avoir fait des études : BTS, CAP, Bac + 4 ou 5… mais peu d’études de commerce qui les préparaient à créer leur entreprise. Ils ont souvent une expérience du salariat mais préfèrent développer leur propre projet. Certains poursuivent un travail salarié à mi-temps pour se lancer plus sereinement. Si l’entreprise ne fonctionne pas au bout d’un ou deux ans, c’est toujours positif d’avoir essayé. Chacun a droit à l’échec ! Mais en réalité, parmi celles que j’ai suivies, à moyen terme très peu d’entreprises ont fermé. La grande majorité est toujours en activité.
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