Le plus grand catalogue de gènes liés à un écosystème
Pour combler cette lacune, et définir les conditions d’expression de ces gènes, des chercheurs du Genoscope au CEA, du CNRS, de l’EMBL et de l’ENS, viennent d’établir le plus grand catalogue de gènes jamais assemblé pour un écosystème planétaire. Composé d’environ 117 millions de séquences différentes, ce catalogue a été établi grâce à l’isolement des gènes exprimés dans plus de 400 échantillons collectés au cours de l’expédition. Cette approche de séquençage massif d’ADN sans isolement d’organismes est dite de métatranscriptomique. Elle a permis d’observer des gènes s’exprimant dans des conditions écologiques particulières. Elle permet par exemple, de montrer que de nombreux organismes utilisent des réponses génétiques différentes selon la concentration en fer dans l’environnement. Les chercheurs ont pu déterminer les gènes impliqués selon les groupes d’espèces.
Des millions de gènes au rôle encore inconnu
Cette étude met également en évidence une proportion particulièrement élevée de gènes aux fonctions biologiques encore inconnues, et qui représente plus de la moitié du catalogue obtenu. Il apparait que ces gènes sans fonction définie s’expriment surtout dans un petit nombre de conditions environnementales. Ils pourraient apporter une explication fonctionnelle à l’immense diversité des organismes observés dans le plancton océanique.
Quels gènes pour quelles fonctions de la vie ?
Si la fonction des gènes du plancton peut désormais être étudiée globalement grâce à ce catalogue, il reste à identifier les organismes auxquels ils appartiennent. Dans un second article, les chercheurs de Tara Oceans caractérisent les génomes de plusieurs organismes majeurs dans l’environnement, mais qu’il est impossible pour l’instant de cultiver. Des cellules individuelles ont été prélevées et conservées pendant l’expédition, et leur ADN a pu être séquencé grâce aux méthodes en plein développement de la génomique « cellule-unique ». Ainsi, de nombreux gènes observés dans le catalogue ont pu être attribués à de très petits organismes (moins de 20 micromètres) se nourrissant d’algues et de bactéries, et constituant un échelon intermédiaire fondamental de la chaîne alimentaire. Cette analyse a révélé une diversité de fonctions insoupçonnées, révélatrice de la spécialisation dans ce compartiment du plancton.
Comment l’océan a-t-il évolué, comment fonctionne-t-il ?
Grâce à ces travaux, le voile commence à se lever sur les petits organismes plus complexes que les bactéries qui constitueraient la majeure partie du plancton océanique. Ils ouvrent de nombreuses perspectives pour comprendre l’écologie océanique à l’aide de gènes marqueurs. Il devient entre autres possible d’étudier les processus biogéochimiques majeurs de l’océan sur la base de l’expression de ces marqueurs. Enfin, une compréhension des mécanismes évolutifs et écologiques de l’écosystème océan semble désormais à portée de la recherche, en utilisant l’ensemble des ressources en espèces, en gènes, et en gènes exprimés apportées par Tara Oceans.
Des gènes aux grands équilibres physiques
Mise en œuvre par les 22 laboratoires impliqués principalement rattachés au CEA, CNRS, l’EMBL, l’ENS et la Fondation Tara Expéditions, Tara Oceans continue d’apporter des éléments majeurs pour décrire le rôle de l’océan dans la « machine » planétaire. Pour relier les gènes océaniques aux phénomènes physiques globaux comme le climat, les chercheurs doivent encore comprendre dans quelles conditions les gènes s’expriment ou non, et à quels organismes ils appartiennent. L’horizon ouvert par cette expédition n’en finit pas de s’élargir.