Imaginer un modèle d’aquaponie durable

Au Sénégal, en s’appuyant sur des GIE de femmes engagées, un modèle d’aquaponie simplifiée a vu le jour. Levier de développement économique, il est en cours de déploiement et pourrait bénéficier d'un travail de R&D mené parallèlement par un institut de recherche français sur l’alimentation d’aquaculture.

Faire émerger de nouvelles formes d’aquaculture est une nécessité. Il y aura bientôt 9 milliards de personnes à nourrir. Et nos ressources, nous le savons, sont limitées : nous ne pouvons plus produire notre alimentation en les détruisant, en perturbant nos écosystèmes, en vidant l’océan... Notre capacité à innover, notamment à créer ou recréer des chaînes alimentaires vertueuses et durables, est un élément-clé de notre transformation écologique.

C’est tout le sens du projet soutenu par la fondation Veolia et porté par deux acteurs du secteur : l’Agence Nationale de l’aquaculture (ANA) au Sénégal et l’Institut océanographique Paul Ricard (IOPR) en France.

Un modèle d’aquaponie simplifiée

Le dispositif repose sur un bassin piscicole hors-sol construit à trois mètres au-dessus de la terre, au milieu de champs. Un système de goutte à goutte permet d'arroser deux fois 5 000 m² avec l’eau enrichie par les poissons en azote, phosphate et potassium. Un puits est équipé d'une pompe qui envoie de l'eau à l'entrée du bassin. A chaque extrémité de celui-ci, deux sorties, avec une vanne chacune, permettent l’arrosage par gravitation du maraîchage.

Les premiers résultats sont tangibles : la production maraîchère augmente de plus de 20 % grâce à l’eau enrichie qui l’irrigue. Et, surtout, au-delà de sa production maraîchère, l’agriculteur est en mesure de produire environ 7 200 kg de poisson (des tilapias) par an en deux cycles de production.

Les tilapias sont des poissons de la famille des cichlidae.

Ce programme d’aquaponie, baptisé Ar Jeeguen, est soutenu par l’ANA qui identifie les sites et les porteurs de projets potentiels. Parmi ceux-ci, des femmes sénégalaises, très engagées, se regroupent en GIE pour gérer les bassins, vecteurs d’émancipation économique.

Les premières exploitations ont bénéficié d’une subvention remboursable qui a permis de financer la création des bassins et la fourniture des intrants pour assurer la production de la première année. Le remboursement par les bénéficiaires permet de financer un autre bassin et d’assurer la réplicabilité du modèle.

De la recherche sur les aliments d’aquaculture en France

Dans le Var, l’Institut océanographique Paul Ricard (IOPR) travaille depuis 2018, avec le soutien de la fondation Veolia, sur l’élaboration d’un aliment d’aquaculture à base de protéines d’insectes. Une formulation à base de farines de vers a été testée avec succès en 2020. L’IOPR veut aller plus loin et, pour héberger l’effort de recherche mené par ses équipes, a développé une plateforme sur l’île des Embiez, dans le Var. L’ambition est de tester des intrants plus vertueux et plus durables tels que les vers de mouches soldats et les vers marins. L’objectif final est d’améliorer le bol alimentaire des tilapias.

Les équipes de l’ANA sénégalaise et de l’IOPR ne se connaissaient pas mais la fondation Veolia a souhaité mutualiser le soutien octroyé à ces deux initiatives et qu’elle reconduit. L’enjeu est d’organiser la collaboration entre l’IOPR et l’ANA, en charge du déploiement du modèle d’aquaponie, autour d’un modèle low tech de production piscicole et aquaponique.

Une collaboration riche de potentiels

L’ANA apportera son expertise et sa capacité à organiser les formations techniques pour les exploitants. Elle pourra également, le moment, venu, accompagner le passage à l’échelle du territoire sénégalais.

Quant à l’IOPR, il tentera d’identifier les leviers pour optimiser la production piscicole et proposera des formations à l’aquaculture au sein de son laboratoire dédié aux pratiques aquacoles. Hébergé au sein de la plateforme marine des Embiez, il a vocation à devenir un pôle d’expertise interrégional et ouvert sur l’international. En favorisant les regards croisés sur un sujet d’intérêt général, la Fondation entend permettre l’éclosion de modèles durables et réplicables.

Des pistes d’amélioration

Parmi les difficultés rencontrées, et ayant un impact direct sur le budget de fonctionnement des GIE, la question de l’approvisionnement en alevins de qualité, en temps et en heure, s'est posée. Les alevins trouvés sur le marché ne sont pas toujours conformes, en termes de qualité et de croissance, à l’exigence d'une production rentable. Des échanges avec l’ANA et l’IOPR ont conduit à proposer la création d’une écloserie locale, destinée à la reproduction et à l’éclosion des œufs de tilapias. L’objectif est de garantir l'approvisionnement des fermes piscicoles. L'IOPR appuie, sur le plan technique, la mise en place de l’écloserie pilote.

Autre point d'amélioration, l'alimentation des pompes d'irrigation par du diesel entraîne une dépendance énergétique et un coût fluctuant qui affectent l’équilibre économique des exploitations. Une dotation du Syndicat intercommunal des eaux de Picardie a permis de solariser les pompes d’irrigation en installant des panneaux solaires au cœur des exploitations. L'aquaponie est l'affaire de tous !

Environnement et biodiversité

  • Lieux :
    Sénégal
    Les Embiez (France)
  • Parrains/Marraine :
    Pierre Ascencio
    Mathilde Nithart
    Thierry Vandevelde
  • Dotations :
    50 000 € au Comité de sélection du 16 mars 2020
    300 000 € au Conseil d’administration du 17 mai 2021
    90 000 € au Conseil d’administration du 22 novembre 2021
    150 000 € au Conseil d’administration du 12 juin 2023

Porteurs du projet

Agence Nationale de l’Aquaculture (ANA, Sénégal)
Institut océanographique Paul Ricard (IOPR)

De quoi parle-t-on ?

L’aquaponie associe l’aquaculture et l’hydroponie.

  • L’aquaculture désigne un élevage de poissons et de végétaux en milieu aquatique.
  • L’hydroponie est la culture de plantes réalisée sur un substrat régulièrement irrigué d’une solution nutritive.

L’aquaponie repose donc sur l’utilisation de l’eau issue d’un élevage piscicole pour fertiliser les cultures végétales.

Un levier d’émancipation économique pour des GIE de femmes

 

Le projet a donné lieu à la constitution de quatre GIE de femmes, dans la région centrale du Sénégal, pour gérer autant de bassins : 

  • 2 à Mbodiène (commune de Nguéniène) ;
  • 1 à Fao (commune de Ndiaganiao) ;
  • 1 à Keur Allé (commune de Pékèss). 

Ces groupements sont suivis par l’ANA et soutenus par un technicien agricole grâce au financement de la fondation Veolia. Ce mécénat se double de missions d’expertise régulières sur le terrain : en mai 2023, une volontaire Veoliaforce s’est rendue sur place pour des formations techniques et la mise en place de procédures de bonne gestion des exploitations.

L’intervention du SIE Picardie pour solariser les pompes d’irrigation

 

Le soutien du Syndicat intercommunal des eaux de Picardie a permis, en faisant appel à un interlocuteur local, d'organiser la solarisation des pompes d'irrigation. La solution permet :

  • D'autonomiser les GIE chargés d’exploiter les bassins ;
  • De réduire les coûts d’exploitation ;
  • D'améliorer l’empreinte environnementale du dispositif.